L'enjeu économique
des eaux minérales

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(Extrait de la lettre trimestrielle Energies et matières premières n.10. 4ème trimestre 1999)


Les eaux minérales naturelles, réservées initialement pour un usage thérapeutique dans des établissements de soins, ont, peu à peu, trouvé d'autres utilisations, parmi lesquelles la plus spectaculaire est leur commercialisation en bouteille. Après avoir vu le jour grâce à la renommée du thermalisme, l'embouteillage des eaux minérales a longtemps vécu dans son sillage, avant de prendre un essor considérable au cours des dernières décennies.

A - Le patrimoine hydrominéral Français

La culture du thermalisme en France remonte au moins à l'époque romaine : les eaux d'origine souterraine, qui se distinguaient des eaux de surface soit par la présence de gaz ou de sels minéraux, soit par une température anormalement élevée, étaient réputées avoir des vertus thérapeutiques. Ces critères étant assez souples, le 18ème et le début du 19ème siècles ont été témoins d'une croissance très importante du nombre de "nouvelles sources", dont certaines étaient "découvertes", en réalisant des puits ou des forages à proximité d'anciennes émergences superficielles.La réglementation mise en place au 19ème siècle a permis de mettre fin à ce développement anarchique. En effet, à partir de la publication de l'ordonnance royale de 1823, les eaux minérales naturelles, avant d'être livrées ou administrées au public, ont dû faire l'objet d'une autorisation ministérielle et être soumises à l'inspection d'hommes de l'art.

Plus de 1600 sources ont ainsi été officiellement reconnues sur le territoire national depuis 1823. Actuellement, d'après l'inventaire paru dans les Annales des mines en 1998, il en reste environ 700 dont seulement 400 sont exploitées industriellement dans les établissements thermaux ou dans les usines d'embouteillage.

Cette réduction considérable du nombre de sources exploitées n'est pas du tout un signe d'appauvrissement du patrimoine hydrominéral français. Elle est plutôt la conséquence d'un renouveau qui consiste à abandonner les anciens captages superficiels, très vulnérables, pour les remplacer par des forages réalisés avec des techniques modernes, permettant d'apporter une meilleure garantie sanitaire et de faciliter une gestion rationnelle de la ressource.

B - Une activité en croissance soutenue

Le thermalisme a enregistré un taux de croissance élevé avec la démocratisation des cures thermales rendue possible grâce à leur prise en charge partielle (25 % du coût de la cure) par la sécurité sociale. En 1998, dans une centaine de stations thermales, les établissements agréés ont accueilli 550 000 curistes assurés sociaux. A ces personnes qui ont bénéficié de soins pendant 18 à 20 jours, il faut ajouter les curistes dits "libres" dont le nombre de journées de cures s'élève à 530 000 ce qui correspond à 75 000 personnes ayant fréquenté un établissement thermal pendant une semaine en moyenne.

Le fléchissement de la fréquentation observé depuis le début des années 1990 est imputable à plusieurs facteurs, le principal étant le marasme économique persistant qui a touché de nombreux foyers. L'activité thermale représente un chiffre d'affaire de plus de 7 milliards de francs d'après les statistiques disponibles ; un curiste avec son accompagnant éventuel (on compte 6 accompagnants pour 10 curistes) dépense de l'ordre de 12 à 14 000 F pendant son séjour dans la station thermale.

Selon les spécialistes, le thermalisme génère 10 000 emplois directs (personnels des établissements, médecins) dont 65 % de saisonniers, 50 000 emplois indirects (hébergement, restauration, sous-traitance) et autant d'emplois induits (commerce, loisirs, tourisme...). Dans le contexte européen, le thermalisme français se situe en 3ème

L'embouteillage de l'eau minérale est né du désir des curistes de prolonger les effets de la cure de boisson après leur retour au foyer. En effet, les premières eaux minérales embouteillées étaient les eaux distribuées dans les buvettes des établissements thermaux.

Avec le développement de l'industrie d'embouteillage, de nouvelles sources, destinées uniquement à cette activité, ont été mises en exploitation. Progressivement l'industrie d'embouteillage s'est individualisée, sans rompre toutefois totalement ses liens avec le thermalisme, puisqu'il existe encore actuellement de nombreux sites dans lesquels les eaux provenant des mêmes sources alimentent les deux types d'activité. C'est le cas notamment à Contrexéville, Evian, Thonon les Bains, Vichy et Vittel, pour ne citer que les exemples les plus connus. Depuis une cinquantaine d'années, on observe une très forte croissance de l'embouteillage des eaux minérales dont la production annuelle, entre 1947 et 1998, a été pratiquement multipliée par 20 en passant de 270 à 5,5 milliards de litres. L'année dernière, la France a exporté 25 % de sa production pour une importation inférieure à 2 %.

Les principaux pays destinataires sont l'Allemagne, le Royaume Uni, les États Unis et le Japon, pays dans lesquels les eaux minérales françaises sont particulièrement appréciées, et consommées comme des produits de luxe. Le chiffre d'affaire de l'industrie d'embouteillage de l'eau minérale s'élève en France à environ 13 milliards de francs.

Le nombre d'emplois créés par cette activité est évalué à plus de 30 000, dont plus de 12 000 emplois directs. Au sein de l'Europe, qui totalise une production d'environ 30 milliards de litres par an, la France occupe le 3ème rang après l'Italie et l'Allemagne, qui affichent respectivement 7,8 et 7,5 milliards de litres.

L'écart de production avec ces deux pays, assez sensible en apparence, s'inverse à l'avantage de l'Hexagone si l'on ajoute aux eaux minérales la catégorie des "eaux de sources" dont la production s'élève à 2,4 milliards de litres en France, alors qu'elle est pratiquement inexistante chez nos voisins. Après le thermalisme et l'embouteillage, les eaux minérales ont trouvé d'autres formes de valorisation très diversifiées : fabrication d'atomiseurs d'eau, extraction de sels pour confection de pastilles et produits cosmétiques.

Le cas typique est celui d'Avène les Bains dans l'Hérault: à côté de l'établissement thermal est installée une usine employant plus de 160 personnes qui, à partir de l'eau minérale, élaborent des produits dermo-cosmétiques exportés à 55 %, essentiellement au Japon.

C - Une ressource à préserver

L'exploitation des eaux minérales est une activité à forte valeur ajoutée et qui plus est, une industrie véhiculant une bonne image de marque, tant en France qu'à l'étranger : elle est associée directement au bien être et la santé de la population, elle est perçue comme une industrie propre ou non polluante et enfin, elle utilise une ressource renouvelable.

En effet, contrairement aux autres matières premières du sous-sol, dont les gisements s'épuisent à plus ou moins longue échéance lorsqu'ils sont exploités, l'eau minérale est une ressource inépuisable, puisqu'elle se renouvelle continuellement.

Mais les exploitants doivent prendre garde de ne pas confondre "ressource inépuisable" avec "ressource illimitée".

En effet, au risque de dégrader irrémédiablement les caractéristiques fondamentales de l'eau minérale, les prélèvements dans le gisement doivent respecter le taux de renouvellement qui détermine le potentiel exploitable. Mais la surexploitation n'est pas la seule menace qui pèse sur la qualité des eaux minérales.

Par exemple, les travaux souterrains, quelle que soit leur nature, sont susceptibles de modifier profondément l'équilibre hydraulique d'une nappe, voire de détourner les eaux de leur circuit.

Ils peuvent également mettre les gisements d'eau minérale en communication avec d'autres aquifères très différents ou contaminés. C'est dire l'importance de la mission de surveillance des eaux minérales dont sont chargées les DRIRE. Au stade de l'instruction des dossiers, elles ont pour tâche d'évaluer le potentiel exploitable et de fixer des conditions d'exploitation compatibles avec ce potentiel ; elles doivent également délimiter les périmètres de protection de la nappe et fixer les dispositions réglementaires applicables à l'intérieur de ces périmètres.

Ensuite, au stade de l'exploitation, l'application des prescriptions réglementaires fait l'objet de contrôles périodiques. C'est au prix d'une action conjointe de tous les acteurs concernés, visant à protéger et pérenniser la ressource, que notre patrimoine hydrominéral pourra être préservé et se développer.


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