Les
eaux minérales naturelles, réservées initialement pour un
usage thérapeutique dans des établissements de soins, ont,
peu à peu, trouvé d'autres utilisations, parmi lesquelles
la plus spectaculaire est leur commercialisation en bouteille.
Après avoir vu le jour grâce à la renommée du thermalisme,
l'embouteillage des eaux minérales a longtemps vécu dans son
sillage, avant de prendre un essor considérable au cours des
dernières décennies.
A
- Le
patrimoine hydrominéral Français
La
culture du thermalisme en France remonte au moins à l'époque
romaine : les eaux d'origine souterraine, qui se distinguaient
des eaux de surface soit par la présence de gaz ou de sels
minéraux, soit par une température anormalement élevée, étaient
réputées avoir des vertus thérapeutiques. Ces critères étant
assez souples, le 18ème et le début du 19ème siècles ont été
témoins d'une croissance très importante du nombre de "nouvelles
sources", dont certaines étaient "découvertes", en réalisant
des puits ou des forages à proximité d'anciennes émergences
superficielles.La réglementation mise en place au 19ème siècle
a permis de mettre fin à ce développement anarchique. En effet,
à partir de la publication de l'ordonnance royale de 1823,
les eaux minérales naturelles, avant d'être livrées ou administrées
au public, ont dû faire l'objet d'une autorisation ministérielle
et être soumises à l'inspection d'hommes de l'art.
Plus
de 1600 sources ont ainsi été officiellement reconnues sur
le territoire national depuis 1823. Actuellement, d'après
l'inventaire paru dans les Annales des mines en 1998, il en
reste environ 700 dont seulement 400 sont exploitées industriellement
dans les établissements thermaux ou dans les usines d'embouteillage.
Cette
réduction considérable du nombre de sources exploitées n'est
pas du tout un signe d'appauvrissement du patrimoine hydrominéral
français. Elle est plutôt la conséquence d'un renouveau qui
consiste à abandonner les anciens captages superficiels, très
vulnérables, pour les remplacer par des forages réalisés avec
des techniques modernes, permettant d'apporter une meilleure
garantie sanitaire et de faciliter une gestion rationnelle
de la ressource.
B
- Une
activité en croissance soutenue
Le
thermalisme a enregistré un taux de croissance élevé avec
la démocratisation des cures thermales rendue possible grâce
à leur prise en charge partielle (25 % du coût de la cure)
par la sécurité sociale. En 1998, dans une centaine de stations
thermales, les établissements agréés ont accueilli 550 000
curistes assurés sociaux. A ces personnes qui ont bénéficié
de soins pendant 18 à 20 jours, il faut ajouter les curistes
dits "libres" dont le nombre de journées de cures s'élève
à 530 000 ce qui correspond à 75 000 personnes ayant
fréquenté un établissement thermal pendant une semaine en
moyenne.
Le
fléchissement de la fréquentation observé depuis le début
des années 1990 est imputable à plusieurs facteurs, le principal
étant le marasme économique persistant qui a touché de nombreux
foyers. L'activité thermale représente un chiffre d'affaire
de plus de 7 milliards de francs d'après les statistiques
disponibles ; un curiste avec son accompagnant éventuel (on
compte 6 accompagnants pour 10 curistes) dépense de l'ordre
de 12 à 14 000 F pendant son séjour dans la station thermale.
Selon
les spécialistes, le thermalisme génère 10 000 emplois
directs (personnels des établissements, médecins) dont 65
% de saisonniers, 50 000 emplois indirects (hébergement,
restauration, sous-traitance) et autant d'emplois induits
(commerce, loisirs, tourisme...). Dans le contexte européen,
le thermalisme français se situe en 3ème
L'embouteillage
de l'eau minérale est né du désir des curistes de prolonger
les effets de la cure de boisson après leur retour au foyer.
En effet, les premières eaux minérales embouteillées étaient
les eaux distribuées dans les buvettes des établissements
thermaux.
Avec
le développement de l'industrie d'embouteillage, de nouvelles
sources, destinées uniquement à cette activité, ont été mises
en exploitation. Progressivement l'industrie d'embouteillage
s'est individualisée, sans rompre toutefois totalement ses
liens avec le thermalisme, puisqu'il existe encore actuellement
de nombreux sites dans lesquels les eaux provenant des mêmes
sources alimentent les deux types d'activité. C'est le cas
notamment à Contrexéville, Evian, Thonon les Bains, Vichy
et Vittel, pour ne citer que les exemples les plus connus.
Depuis une cinquantaine d'années, on observe une très forte
croissance de l'embouteillage des eaux minérales dont la production
annuelle, entre 1947 et 1998, a été pratiquement multipliée
par 20 en passant de 270 à 5,5 milliards de litres. L'année
dernière, la France a exporté 25 % de sa production pour une
importation inférieure à 2 %.
Les
principaux pays destinataires sont l'Allemagne, le Royaume
Uni, les États Unis et le Japon, pays dans lesquels les eaux
minérales françaises sont particulièrement appréciées, et
consommées comme des produits de luxe. Le chiffre d'affaire
de l'industrie d'embouteillage de l'eau minérale s'élève en
France à environ 13 milliards de francs.
Le
nombre d'emplois créés par cette activité est évalué à plus
de 30 000, dont plus de 12 000 emplois directs.
Au sein de l'Europe, qui totalise une production d'environ
30 milliards de litres par an, la France occupe le 3ème rang
après l'Italie et l'Allemagne, qui affichent respectivement
7,8 et 7,5 milliards de litres.
L'écart
de production avec ces deux pays, assez sensible en apparence,
s'inverse à l'avantage de l'Hexagone si l'on ajoute aux eaux
minérales la catégorie des "eaux de sources" dont la production
s'élève à 2,4 milliards de litres en France, alors qu'elle
est pratiquement inexistante chez nos voisins. Après le thermalisme
et l'embouteillage, les eaux minérales ont trouvé d'autres
formes de valorisation très diversifiées : fabrication d'atomiseurs
d'eau, extraction de sels pour confection de pastilles et
produits cosmétiques.
Le
cas typique est celui d'Avène les Bains dans l'Hérault: à
côté de l'établissement thermal est installée une usine employant
plus de 160 personnes qui, à partir de l'eau minérale, élaborent
des produits dermo-cosmétiques exportés à 55 %, essentiellement
au Japon.
C
- Une
ressource à préserver
L'exploitation
des eaux minérales est une activité à forte valeur ajoutée
et qui plus est, une industrie véhiculant une bonne image
de marque, tant en France qu'à l'étranger : elle est associée
directement au bien être et la santé de la population, elle
est perçue comme une industrie propre ou non polluante et
enfin, elle utilise une ressource renouvelable.
En
effet, contrairement aux autres matières premières du sous-sol,
dont les gisements s'épuisent à plus ou moins longue échéance
lorsqu'ils sont exploités, l'eau minérale est une ressource
inépuisable, puisqu'elle se renouvelle continuellement.
Mais
les exploitants doivent prendre garde de ne pas confondre
"ressource inépuisable" avec "ressource illimitée".
En
effet, au risque de dégrader irrémédiablement les caractéristiques
fondamentales de l'eau minérale, les prélèvements dans le
gisement doivent respecter le taux de renouvellement qui détermine
le potentiel exploitable. Mais la surexploitation n'est pas
la seule menace qui pèse sur la qualité des eaux minérales.
Par
exemple, les travaux souterrains, quelle que soit leur nature,
sont susceptibles de modifier profondément l'équilibre hydraulique
d'une nappe, voire de détourner les eaux de leur circuit.
Ils
peuvent également mettre les gisements d'eau minérale en communication
avec d'autres aquifères très différents ou contaminés. C'est
dire l'importance de la mission de surveillance des eaux minérales
dont sont chargées les DRIRE. Au stade de l'instruction des
dossiers, elles ont pour tâche d'évaluer le potentiel exploitable
et de fixer des conditions d'exploitation compatibles avec
ce potentiel ; elles doivent également délimiter les périmètres
de protection de la nappe et fixer les dispositions réglementaires
applicables à l'intérieur de ces périmètres.
Ensuite,
au stade de l'exploitation, l'application des prescriptions
réglementaires fait l'objet de contrôles périodiques. C'est
au prix d'une action conjointe de tous les acteurs concernés,
visant à protéger et pérenniser la ressource, que notre patrimoine
hydrominéral pourra être préservé et se développer.
|